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Par Maïlys C. · Publié le 31 janvier 2017 à 13h21 Le théâtre de Belleville présente l'étonnante pièce de Côme de Bellescize, "Soyez vous-même", du 18 janvier au 16 avril 2017. Porté par un duo d'actrices au mieux de leur forme, ce huis-clos cruel nous invite dans un entretien d'embauche qui ressemble fort à une séance de torture. On en ressort bluffé par ce théâtre parfaitement exécuté, et dépité par son acuité féroce. Il est des actrices dont on sait dès le premier souffle qu'elles vont être puissantes. C'est le cas d' Éléonore Joncquez et de Fannie Outeiro, les deux moteurs de la pièce Soyez vous-même, savant mélange de réalisme ultra-actuel et de crescendo infernal. L'idée: une jeune fille pimpante vient passer un entretien dans une entreprise de fabrication de javel pour en devenir la chargée de communication. Face à elle, une employeuse aveugle mais redoutable, qui va la pousser dans ses plus intimes retranchements pour en obtenir le meilleur. Le texte alterne entre une fine critique des phrases toutes faites et des candidats dépossédés d'eux-mêmes (d'où le Soyez vous-même du titre, qui est la répétitive invitation que fait l'employeuse à la candidate formatée) et une puissance perverse qui entraîne ce duo de femmes dans les affres de la séduction et de la prédation.
27 février 2017 à 00h46 - 4096 vues Sonia Jucquin nous parle de la pièce "Soyez vous-même" textes et mise en scène de Côme Bellescize jusqu'au 16 avril 2017. La compétence ne suffit pas! Pour être engagé par l'étrange directrice de cette entreprise de javel, il faut se mettre à nu, retirer le masque de l'employé idéal et se dévoiler pleinement. Très vite, l'enjeu professionnel s'étend à des questions existentielles, à la fois loufoques et inquiétantes. Côme de Bellescize signe avec Soyez vous-même une comédie acide et déjantée où tous les moyens sont bons pour parvenir à être soi-même.
« Soyez vous-même » Phrase qui n'est pas sans évoquer le fameux « Connais-toi toi-même » de Socrate, s'affiche sur le mur du bureau de la DRH d'une entreprise commercialisant de l'eau de Javel. C'est en effet, à un entretien d'embauche que nous allons assister, puisqu'il s'agit d'embaucher une « communicante », capable de faire vendre un maximum. La candidate en lice, semble avoir toutes les qualités requises pour l'emploi: sens du relationnel, capacités intellectuelles et qui plus est, qualités physiques. Elle va tout faire pour obtenir ce, l'auteur et metteur en scène, Côme de Bellescize, s'est amusé à transformer cet entretien d'embauche en rite initiatique afin de découvrir ce qu'il y a derrière cette perfection de façade. C'est l'objectif de la DRH, briser la carapace, révéler les failles les plus intimes. Jusqu'où peut aller un entretien? « Il faut que vous vous dépossédiez de votre carapace. Vous me dressez un portrait tellement triste et convenu. Je m'ennuie! Lâchez prise! Donnez-moi quelque chose de vrai, d'unique, d'instantané.
Un entretien d'embauche qui bascule dans une folie destructrice mettant à nue les souffrances et les frustrations de ces deux femmes. Côme de Bellescize rappelle la part d'insincérité que tout candidat se doit de revêtir pour espérer décrocher un emploi. A travers ce jeu de massacre, entre grotesque et hystérie il entreprend de disséquer la part d'inhumanité qui se dégage de ces entretiens. Les rires fusent à foison dans ce tourbillon de perdition où l'enjeu professionnel disparait au profit des questions existentielles. Laurent Schteiner « Soyez vous-même » de Côme de BELLESCIZE Mise en scène de Côme de BELLESCIZE Avec Eléonore JONCQUEZ et Fannie OUTEIRO Lumière: Thomas COSTERG Son: Lucas LELIEVRE Régie: Arnaud PRAULY Costumes: Colombe LAURIOT-PREVOST © Pauline LEGOFF Théâtre de Belleville 94 Faubourg du temple 75011 Paris Réservations: 01 48 06 72 34 Jusqu'au 16 avril 2017 Du mercredi au samedi à 19h15, le dimanche à 15h relâches les 26 janvier, 8 et 17 mars Partager la publication ""Soyez vous même": une comédie grotesque et grinçante au théâtre de Belleville! "
La division du sujet, c'est notre humaine condition. Lacan en donne une formule très éclairante en détournant celle de Descartes: là où je pense, je ne suis pas; là où je suis, je ne pense pas. Or, là où je ne suis pas, je suis tout même, non pas un être, mais une chose. Cette chose c'est celle que le « coach » fait de moi lorsque je me prépare à un entretien d'embauche: une personne « enthousiaste et positive ». Contrairement à ce qu'on aimerait croire et expérimenter naïvement, le degré de consistance d'une personnalité n'est pas proportionnel au degré d'existence du sujet qui étouffe dedans. L'entreprise, dans le monde réel, s'accommode très bien de la division du sujet. Elle la fige et la contient dans la distinction vie privée / vie professionnelle. C'est un singe et un chat enfermés dans un sac à pommes de terre. Je pense là où je développe mes compétences professionnelles / je suis là où j'exerce mes loisirs. Encore mon curriculum vitae, pour la bonne conscience de l'entreprise, va-t-il en nier le caractère divisant.
On rit effectivement beaucoup dans cette pièce même si au final, c'est un constat amer que fait l'auteur d' " Amédée " ou " Eugénie ": le monde du travail aliène peu à peu les individus et les pousse à nier leur réelle personnalité. La démonstration est grandiose dans cette pièce au texte brillant (où Côme de Bellescize se lâche dans une écriture aussi soignée qu'au vitriol) pour un duo d'actrices de haut niveau finement dirigées par l'auteur-metteur en scène. Eléonore Joncquez, comédienne fétiche depuis "Les errants " ou " Les enfants du soleil " est une fois de plus grandiose avec une variation de jeu époustouflante et une prodigieuse facilité à plonger dans la démesure. Du grand art. Fannie Outeiro, est elle désarmante de naïveté et hilarante par le zèle que son personnage déploit. Comme sa partenaire, elle va loin dans l'excès avec énormément de justesse et de rythme. Toutes deux laissent le spectateur éreinté et admiratif de leurs performances. Un duo inoubliable pour une pièce troublante et percutante.