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Accueil > Grands arrêts > CE, 19 mai 1933. L'arrêt Benjamin dimanche 10 mai 2020 Dans cet arrêt, le Conseil d'Etat donne sa portée à une liberté fondamentale (ici la liberté de réunion) et se pose en garant de la protection contre les atteintes à ces libertés. Le Conseil d'Etat affirme ici, et de manière constante depuis, qu'il est garant d'un contrôle de proportionnalité entre les mesures prises au nom de l'ordre public et les libertés publiques et individuelles. Le Conseil d'État exerce donc un véritable contrôle de proportionnalité sur les mesures de police administrative. Analyse de la portée de l'arrêt sur le site du CE. Dans l'arrêt CE, Assemblée, 26 décembre 2011, Association pour la promotion de l'image et autres, le Conseil d'Etat précise la nature de ce contrôle en précisant que les mesures attentatoires aux libertés doivent être soumises à un " triple test de proportionnalité », c'est-à-dire examinées selon les trois critères de l'adaptation, la nécessité et la proportionnalité à la défense de l'ordre public.
Il y a un véritable principe de proportionnalité dans l'exercice de ces pouvoirs de police. Le Conseil d'État a appliqué la formule « la liberté est la règle, la restriction de police l'exception ». Dans ce cadre, plusieurs conditions s'imposent pour pouvoir rendre ces mesures imposables: La menace pour l'ordre public est manifestement et exceptionnellement grave (degré de gravité) L'autorité municipale ne dispose pas d'effectif suffisant pour pouvoir contrôler et maintenir l'ordre lors d'une réunion publique. La solution de l'arrêt Benjamin a été reprise de nombreuses fois après la seconde guerre mondiale. Par exemple, l'arrêt Naud du 23 janvier 1953 rendu par le Conseil d'État qui relève qu'il incombe au préfet de police de concilier son action visant le maintien de l'ordre public avec le respect de la liberté de réunion. Qu'en l'espèce, les faits en cause n'étaient pas de nature à menacer l'ordre public au point d'entraver la liberté de réunion. Des solutions similaires ont été reprises dans les arrêts Houphouët-Boigny le 19 juin 1953 et Damazière et autres le 29 juillet 1953 par le Conseil d'État.
La portée de l'arrêt Benjamin Depuis 1933, la jurisprudence Benjamin a été appliquée de manière constante. Ainsi, dans un arrêt de 1987, le Conseil d'Etat a demandé à un maire de combattre les risques de troubles à l'ordre public « en prenant les mesures de police appropriées » (CE, 26 juin 1987, Michel et Francis Guyot). De même, en 1980, il a validé une réglementation qui « a été adaptée aux circonstances de temps et de lieu », « de façon à ne pas soumettre les intéressés à des contraintes autres que celles qu'impose le respect du bon ordre, de la sécurité et de la tranquillité », dès lors « que ce but n'aurait pas pu être atteint par des mesures moins contraignantes » (CE, 25 janvier 1980, Gadiaga et autres). On peut reprocher à l'arrêt Benjamin de ne pas préciser quelles mesures auraient pu être prises à la place de l'interdiction pour assurer le maintien de l'ordre public. Mais à la suite de l'arrêt Benjamin, plusieurs arrêts ont été beaucoup plus explicites. Par exemple, en 1993 (CE, 9 avril 1993, n° 132366, Touzery et Olive), le Conseil d'Etat a prononcé l'annulation d'une mesure de police, en relevant que: « un autre itinéraire évitant l'école aurait pu être fixé pour relier le "ranch Crin-Blanc" à la forêt, ce qui eût constitué une mesure aussi efficace et moins contraignante, de nature à prévenir les risques pour la sécurité des piétons et des élèves entraînés par la circulation des chevaux sur le territoire communal ».
Le Conseil d'État applique, bien entendu, cette jurisprudence en s'attachant aux circonstances de chaque espèce. En effet, si l'autorité en cause ne dispose pas des moyens suffisants pour maintenir l' ordre public alors l'interdiction, même préventive, est tout à fait licite. Il faut cependant que la menace d'atteinte à l'ordre public soit relativement grave ou alors que l'autorité ne dispose, réellement, d'aucun autre moyen suffisant afin d'assurer le maintien de l'ordre comme la mise en place d'un dispositif policier suffisant. Le Conseil d'État doit donc nécessairement s'assurer, à chaque fois, que la mesure de police prise est justifiée, non seulement par rapport aux circonstances, mais qu'elle est également adaptée et proportionnée à la menace qui pèse sur l'ordre public. Le Conseil d'État est donc tenu de réaliser un véritable contrôle de proportionnalité des mesures de police administrative qui sont prises. On peut ainsi en conclure que c'est notamment à partir de sa jurisprudence Benjamin que « le Conseil d'État a affirmé son rôle de gardien des libertés publiques et individuelles face aux éventuelles atteintes susceptibles de leur être portées à l'occasion de l'exercice du pouvoir de police administrative ».