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Sans doute y a-t-il quelque chose d'autobiographique dans l'oeuvre de Zao Wou-Ki, que soulignent plusieurs tableaux d'hommage à Michaux, à Varèse, à Monet, à Matisse, les compagnons artistiques, ou bien ces deux toiles peintes à des décennies de distance, l'une à la suite de la séparation avec sa première femme, l'autre à la suite du décès de la seconde. Cette peinture est pensée autant que sentie. Et pour celui qui la contemple – contemplation est bien le terme – c'est une véritable expérience intérieure, au sens fort que Bergson donnait à ce mot, pour ainsi dire une révélation donc. Singulière par son propos, qui n'est ni de retracer l'évolution qui conduisit Zao à conquérir l'abstraction, ni encore moins de proposer une rétrospective de l'oeuvre, l'exposition choisit de nous placer d'emblée devant ce qui fait la spécificité de la création de l'artiste, et de la façon la plus magistrale possible, avec ces grands formats. Devant? La locution est mal choisie, Il serait plus juste de dire qu'il n'y a pas de confrontation possible en fait avec cette oeuvre.
Zao Wou-Ki, lui, ne se réclame d'aucune école, d'aucun système. Sans limite (ce que son prénom « Wou-Ki » signifie), sans a priori, ni horizon, que celui peut-être des impressionnistes – les Nymphéas de Claude Monet en particulier – auxquels il ne cesse de penser depuis sa jeunesse. De même qu'à Henri Matisse, un de ses phares à qui le peintre rendra un hommage pour le moins « appuyé » en 1986 ( Hommage à Matisse). Zao Wou-Ki invente donc, progresse sans dessin préparatoire dans l'inconnu, à la recherche du nouveau. Ainsi, déclarait-il simplement à Libération en 1993: « Sincèrement, je ne sais pas ce que je fais. Je peins ce que j'ai envie de peindre et petit à petit quelque chose arrive, qui est souvent raté. Alors on recommence, on continue. C'est aussi bête que ça. Je barbouille, quoi. Avec l'envie d'exprimer le plus de choses possibles avec le maximum de simplicité. Jusqu'à maintenant, je n'y suis pas encore parvenu. » Seul le geste compte pour cet homme issu d'une famille de lettrés et très tôt sensibilisé à l'art de la calligraphie.
Ce back-ground Chinois venu des profondeurs d'une civilisation plurimillénaire, fait bien plus que remonter à la surface dans la salle consacrée aux encres de grandes dimensions réalisées sur papier dans les années 2000. L'artiste y renoue avec le pinceau et l'encre de Chine qui en Orient sert autant à écrire qu'à dessiner. Graphie du peintre et graphie de l'écrivant, un seul et même geste sur lequel Henri Michaux a écrit de si belles pages. On se réveille soudain devant le panneau – fin de l'exposition – On sort du rêve. On veut y retourner. Alors on refait un tour. A nouveau on cherche un siège. On s'immerge encore une fois.. On embarque encore une fois pour l'espace rêvé par Zao Wou Ki. On regrette seulement que ce soit déjà fini. Mais on peut y retourner. Jusqu'au 6 janvier 2018 Musée d'Art Moderne de la Ville de Paris 12-14 avenue de New York 75016 Paris. Entrée côté Seine: 12-14 avenue de New York 75116 Paris Ouvert du mardi au dimanche de 10h00 à 18h00 (jeudi jusqu'à 22h00) – fermé le lundi Pierre Vauconsant L'artiste peintre et poète Pierre Vauconsant, auteur de cet article