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Après la mort, la vie! Breleur a tracé sa route, d'expérimentations en expérimentations, sans se préoccuper du marché de l'art. À soixante-dix ans, il accède seulement à une certaine notoriété nationale et internationale. Il n'est pas moins serein, satisfait de pouvoir, jour après jour, compléter l'une des ses sculptures de la « série des fanfreluches » (comme nous aimerions la nommer) ou d'entreprendre un nouveau dessin. Il se remet par ailleurs à la peinture. [ 1] Ernest Breleur, né en Martinique en 1945, étudie à Paris de 1962 à 1972 à l'école des Arts appliqués (diplôme d'études supérieures d'arts graphiques) puis à l'université Paris VIII (maîtrise d'arts plastiques), retourne ensuite en Martinique, enseignant en collège puis à l'ERAPM (École régionale des arts plastiques de Martinique), commence à peindre en 1985. [2] Comment ne pas évoquer ici Wifredo Lam et son tableau le plus emblématique, « La Jungle »? [3] Selim Lander, « Peintres de Martinique », [4] Ernest Breleur, texte de Dominique Berthet, préface de Jacques Leenhardt, Fondation Clément et HC Éditions, Paris, 2008, 192 p., 45 €.
Le besoin de la lumière, la couleur retrouvée, le retour à la vie… après la vie. (ph Jerôme Michel) Le passage. Toute l'oeuvre d'Ernest Breleur y revient. En 2014, la galerie Maëlle expose à Belleville (Paris) ses derniers dessins. Le changement est radical. « Une perception lumineuse qui s'oppose à la gravité des œuvres radiographiques, » explique-t-il alors. Il parle d'un point de bascule et d'une nécessité de regarder maintenant en direction de la lumière. « Au moment d'aborder la courbe descendante vers la finitude (…), la question du vivant devient pour moi centrale. C'est le retour à la couleur: les rouges, les jaunes, les bleus, les teintes acidulées, comme si une vague de jeunesse me traversait. » L'exposition s'intitule justement « L'énigme du désir » et elle ne parle que de ça. De la vie qui ne s'arrête jamais, de ces corps qui se conjuguent, par le frôlement des ailes et le mélange des pollens. Saveurs (relatives) d'immortalité. « Ces paysages me positionnent dans le croisement des imaginaires.
Chaque fois que l'on effectue une nouvelle rencontre, il y a une espèce de valeur ajoutée et l'être composite s'enrichit de provenances différentes. En tant qu'artiste je suis extrêmement sensible à toutes ces poétiques. » Des poétiques qui ont contribué à irriguer l'œuvre d'Ernest Breleur, incarnées par exemple par ses amis Edouard Glissant (1928 – 2011), l'écrivain tchèque Milan Kundera et Patrick Chamoiseau, le Marocain Tahar Ben Jelloun, et les écrivains d'Amérique latine. « Ces auteurs me nourrissent énormément. C'est le croisement des poétiques, mais c'est également la rencontre d'artistes, car les écrivains sont des artistes. », dit-il. « Aujourd'hui le temps qu'il me reste est court, même si je me suis promis de vivre jusqu'à 145 ans et demi », plaisante Ernest Breleur. « Je crois que les années qui me restent ne sont pas assez importantes pour développer l'œuvre », confie-t-il plus sérieusement. « C'est vraiment une hantise, car je pense que je suis véritablement à l'aube de mon travail.
Puis il reprend, de la même voix joyeuse: » (Ils) sont à l'instar des tombeaux égyptiens où les morts sont enterrés avec leurs objets familiers. Ici l'âme s'élève vers le ciel accompagnée des objets disséminés dans les œuvres. » Le croisement de la vie et de l'imaginaire? Et un peu plus encore.,, Repères: Ernest Breleur est né en 1945 à Rivière-Salée, Martinique, vit et travaille sur l'île. Expositions personnelles (sélection) 2020: Big Bang Boom! A cosmic poetry, Maëlle galerie, Paris. 2015: L'énigme du désir, Maëlle Galerie, Paris (France) 2013: Le vivant, de questions en questions, Maëlle Galerie, Paris. 2012: Dessins de transition, T&T Galerie, Jarry (Guadeloupe). 2010: Portraits sans visage, Galerie les Filles du Calvaire, Paris. 2009: Portraits reconstitués, T&T Galerie, Jarry (Guadeloupe). 2008: Corps Commun, Fondation Clément, le François (Martinique). 2006: Reconstitution, CMAC Scène nationale, l'Atrium, Fort-de-France (Martinique). (…) 1995: Corps Radiographiés, Chalon-sur-Saône (France).
Encore préoccupé par la peinture à cette époque, il se débarrasse des contraintes de représentations imposées par le projet de fwomajé. Cette page tournée est le symbole d'une nouvelle posture fondamentale. Avec une certaine liberté, il réalisera entre autres la Série Noire, la Série Mythologie de la lune, ou encore des Corps flottants avec pour dessin de s'inscrire dans la modernité. C'est alors qu'il interrogera les questions métaphysiques de la vie et de la mort. En 1992, il réalisera ses dernières peintures et rompra définitivement avec ce medium. C'est précisément à partir de cette date que sa carrière prendra un nouveau tournant. C'est avec un nouveau « matériau disponible » qu'il va œuvrer: la radiographie. Ce matériau lui permettra de fonder sa singularité d'artiste en interrogeant son lieu et les lieux du monde. Dans un atelier changé, aménagé avec ustensiles et matériels médical récupérés dans un hôpital désaffecté. L'artiste s'imprègne... Ce nouveau matériau convoque irrémédiablement l'intimité du corps.